Nous, collectif d’ONG des droits de l’homme, avons le regret de constater que les libertés individuelles consacrées par la Constitution et les lois de la République sont en train d’être confisquées par les autorités publiques. Nous exprimons de plus notre inquiétude sur l’attitude de la justice guinéenne qui constitue le seul recours des citoyens en cas d’abus d’autorité et qui, il faut le dire, fait preuve de partialité dans l’interpellation et le jugement des citoyens.
Le collectif des ONG de défense des droits de l’homme, tient à rappeler un certain nombre de faits qui fonde son inquiétude et la nécessité ressentie de diffuser ce présent communiqué de presse.
Le 21 Juillet 2016, un groupe de douze jeunes dont une femme mère de trois enfants a été arrêté et emprisonné à la maison centrale de Conakry sur instruction du Maire de Matoto.
Ces jeunes, dont la plupart sont diplômés sans emploi, ont voulu manifester sur la voie publique pour interpeller les autorités guinéennes (i) sur les conditions de vie exécrables qui poussent leurs amis à aller mourir dans la Méditerrané pour rejoindre l’Europe, (ii) contre la manipulation politique dont sont victimes les jeunes, (iii) mais aussi, et ce en vertu des articles 19 et 20 de la Constitution, contre l’exploitation et l’abandon de la Jeunesse, et pour la création d’un environnement favorable à l’emploi.
Après avoir informé les autorités communales de Matoto de leur volonté de manifester à travers un courrier en date du 18 Juillet 2016, ces dernières n’ont délivré aucun acte administratif interdisant la marche. Le maire s’est en effet contenté d’émettre, dans la soirée du 20 juillet, un appel téléphonique pour demander aux jeunes de changer de méthode d’opération, ainsi que l’itinéraire de leur manifestation.
Dans le but de respecter les consignes données par le maire, les jeunes du Mouvement de Défense des Droits des Jeunes se sont regroupés au stade de Gbessia Centre avec leurs pancartes et banderoles sur lesquelles on pouvait lire :
« Nous ne voulons plus que les jeunes guinéens meurent sur les côtes marocaines et libyennes » ;
«Où sont nos tablettes ? », (Allusion faite aux promesses du Président Alpha Condé de doter chaque étudiant guinéen d’une tablette) ;
« Non à la manipulation des jeunes guinéens par les acteurs politiques » ;
« Les jeunes guinéens veulent de l’emploi ».
Sur les lieux, ils ont été interpellés par des gendarmes qui les ont tout d’abord sommés de quitter les lieux, avant de les embarquer quelques minutes plus tard pour la police de Matoto pour être entendus sur procès-verbal. Déférés le même jour devant le substitut du procureur du Tribunal de Mafanco, ce dernier les a inculpés le 21 juillet pour attroupement interdit et placé sous mandat de dépôt à la sûreté de Conakry. C’est ainsi qu’ils ont été dans un premier temps, emprisonnés dans des cellules occupées par des criminels, avant d’être déplacés dans un autre endroit plus ou moins acceptable suite à la visite du collectif des ONG de défense des droits de l’homme.
Ces jeunes sont restés incarcérés pendant 16 jours, du 21 juillet 2016 au 05 août 2016, grâce à l’implication de nos partenaires, le procès s’est tenu les 04 et 05 août 2016 et a abouti à leur libération pure et simple pour délit non constitué et renvoie de la procédure.
Face à cette situation, nous, ONGs de défense des droits de l’homme foncièrement attachées à l’exercice des libertés publiques et signataires de la présente déclaration:
Regrettons vivement la décision des autorités communales de Matoto interdisant les manifestations pacifiques des citoyens et la décision du procureur du Tribunal de Mafanco inculpant les jeunes du Mouvement pour la Défense des Droits de la Jeunesse en dépit du fait que la manifestation ait été autorisée.
Appelons :
nos acteurs politiques à plus de retenue et de responsabilité dans leurs actions pour préserver la paix et la quiétude sociale, afin de maintenir un environnement favorable au développement du pays par l’investissement et la création d’emplois ;
les autorités communales et gouvernementales à veiller à l’exercice des libertés publiques dans le respect de la loi en vigueur, sans aucune discrimination ;
les magistrats à appliquer la loi en toute impartialité dans le strict respect de la procédure.
Conakry, Août 2016